Sainte Haude et Saint Tanguy

SAINTE HAUDE ET SAINT TANGUY,  LES SAINTS DE TREMAZAN

Si un jour vous suivez la route côtière qui mène de Porspoder à Ploudalmézeau, dans le Léon , vous découvrirez au hasard d’un tournant, les ruines fières et austères du château de Trémazan. Ce qu’il reste du donjon renvoie à la vie de Haude et Tanguy, les enfants du seigneur des lieux et se mêlent dans la triste vie de ces deux jeunes gans, la légende et la réalité ! La légende, très ancienne, est reproduite dans un texte du seigneur de Trémazan, daté du XVe siècle, en fait, il s’agit là d’une volonté de prouver l’ascendance de la famille du Chastel, fondateurs du château de Trémazan avec deux saints honorés dans la région et au-delà. Il est probable d’ailleurs, que la légende et la source remontent à des temps bien antérieurs au christianisme.  Leur histoire fut aussi écrite par  Albert Le Grand en 1637.

Sainte Haude
Chapelle de Kersaint
à Landunvez

Haude est une sainte « céphalophore » ( du grec képhalé, la tête, et phéreïn, porter ), une sainte (ou un saint) qui, après avoir subi une décapitation, est représentée portant sa tête dans ses mains. C’est le cas de très nombreux saints, dont le plus célèbre est sans doute Saint Denis ! La plupart de ces saints ont semble-t-il vécu, comme Sainte Haude, à l’époque mérovingienne. En Bretagne, on vénère aussi Sainte Noyale à Noyal-Pontivy, Sainte Tréphine à Pontivy, Saint Gohard à Nantes, Saint Trémeur à Carhaix et Saint Miliau à Guimiliau …
Quant à Tanguy, il s’appelait Gurguy et ce serait Saint Pol Aurélien qui changea son nom car il lui était apparu auréolé d’un cercle de feu. Et tan, en breton, veut dire feu.

Tanguy et Haude de Trémazan vivaient, au début du VIe siècle. Ils étaient les enfants de Golon, seigneur de Trémazan, à l’Ouest du pays léonard, et de Florence, fille d’Honorius, prince de Brest. Elle était belle, pieuse et gaie mais elle mourut jeune, laissant ses deux enfants en bas âge. Golon était inconsolable et la présence de ses enfants ne réussissait pas à lui rendre le goût de vivre. C’est leur marraine, une lointaine cousine qui se chargeait de leur éducation et ils partageaient leur temps entre l’étude et les longue balades à cheval au bord de la mer ou dans les épaisses forêts intérieures. Se sentant vieillir, la marraine finit par conseiller à Golon de chercher une femme qui pourrait l’aider à terminer l’éducation de ses enfants et lui redonner l’envie de vivre. Il chercha sans enthousiasme et finit par trouver une femme en Bretagne. Elle était belle, austère et cachait son avidité sous des dehors doux et sage. A peine arrivée à Trémazan, cette femme montra son vrai visage, elle fit enfermer la marraine dans le donjon du château en l’accusant de sénilité, ensuite elle se mit à rudoyer, humilier et maltraiter les enfants. Leur père, aveuglé par sa nouvelle épouse se désintéressa de ses enfants et lui en laissa la responsabilité. Il ne reprenait un peu de vie qu’en chassant, le reste du temps, il regardait la mer. En vraie marâtre durant 8 ans, elle assouvit sa haine sur les enfants, espérant leur disparition et celle de leur père qui la laisseraient seule à la tête d’une immense fortune. Tanguy, l’aîné, finit par demander congé à son père et devenu militaire, partit à la cour du roi Childebert, où il resta pendant 12 ans.

La foi, la prière et la confiance en Dieu aidaient Haude à supporter sa marâtre, qui la haïssait en raison de sa vertu et de sa piété. Elle la chargeait de corvées ls plus humiliantes, mais Haude obéissait, et priait la nuit si ses corvées l’empêchaient d’assister à la messe. Elle s’occupait de la marraine enfermée dans le donjon, qui lui parlait et l’aidait de ses douces paroles. Sa marâtre ne lui donnait que quelques pièces qu’elle distribuait aux pauvres.

Au bout de 12 ans, tous pensaient que Tanguy était mort. Golon se laissait mourir épuisé par le chagrin. Et Haude devint un bon parti, elle était belle et héritière de grands biens. Des seigneurs vinrent la demander en mariage, mais la marâtre, jalouse, l’exila comme souillon dans une ferme voisine en faisant courir le bruit qu’elle était volage et sans dignité.
Mais, Tanguy finit par revenir. à Trémazan et s’étonna de l’absence de sa sœur. La marâtre, croyant que c’était un prétendant, lui dit qu’Haude était une fille perdue. Croyant à ces calomnies, fou de rage, il chercha sa sœur, et l’ayant trouvée près d’une fontaine, l’appela par son nom. Haude ne reconnut pas son frère, parti depuis longtemps, prit peur et s’enfuit. Tanguy prit cette fuite pour un aveu de honte en raison de sa mauvaise conduite, et, en colère, lui trancha la tête qui roula sur le sol ; une source en jaillit immédiatement. Attirés par le bruit de cheval de Tanguy et ses cris de haine à l’égard de Haude, des voisins accoururent et lui dirent à quel point Haude était sage et vertueuse.

Saint Tanguy
Chapelle de Kersaint
à Landunvez

Se rendant compte de son erreur, Tanguy se présenta chez son père, se fit reconnaître et avoua son crime. C’est alors qu’un profond silence tomba sur le château accompagné de la brume de mer. Haude se présenta alors, tenant sa tête dans ses mains, et elle la posa sur son cou où elle se ressouda. Haude se tourna vers sa marâtre et lui dit qu’elle serait punie par Dieu. Immédiatement, la marâtre se vida de son sang et de ses boyaux avant d’être  foudroyée sur place. Haude se tourna ensuite vers son frère et lui dit que la Vierge avait obtenu son pardon et qu’elle aussi lui pardonnait ! elle tomba, morte et fut enterrée dans la chapelle de Kersaint où elle est encore …

Tanguy, désespéré et fou de douleur, s’en alla trouver Saint Pol Aurélien, évêque de Léon, son confesseur et guide spirituel, qui lui enjoignit un jeûne de 40 jours et lui dit de se faire moine avant de le nommer abbé. Tanguy avait hérité de son père de terres qui s’étendaient de la rivière de Brest jusqu’à Pen ar Bed. C’est là qu’il allait édifier un monastère. Mais, beaucoup veulent l’en dissuader car la pointe est dangereuse, exposée aux vents et aux tempêtes. Dieu en voulut autrement !  et il veillait, en une nuit, les matériaux de construction  gagnèrent d’eux-mêmes l’emplacement que Tanguy avait choisi.  L’abbaye prit le nom de Saint-Matthieu, lorsqu’un un navire transportant les reliques de Saint-Matthieu fut sauvé miraculeusement du naufrage. Tanguy en devint l’abbé , nommé par Saint Pol. Il rendit l’âme le 12 mars de l’an 594, le même jour que Saint Pol Aurélien à Batz, et fut enterré à Saint-Mathieu.

Si vous passez par Trémazan , vous sentirez à quel point les lieux gardent la mémoire de la décapitation de sainte Haude. Un œillet, l’œillet de Sainte Haude, Jenofl Santez Eodez en breton, rappelle son sang versé et fleurit toute l’année ! Cette plante sauvage est protégée et sa cueillette interdite. Le géranium sanguin, bouzellou an itron en breton (les entrailles de la dame), rappelle quant à lui la mort affreuse de la marâtre.

Extrait d’une chanson bretonne relatant les faits

A Castel Tremazan, e parrez Landunvez
Galon, eun digentil euz ar c’haëra lignez,
A zeuas da eureugi, evit quenta pried,
Merc’h ar Prins euz a Vrest Florence voa hanvet,
Bugale o dévoé, mez oll n’hon hanvon quet :
Unan eo sant Tanguy, eun ail santez Eodet.

Du château Trémazan, en paroisse Landunvez
Galon, un gentilhomme de la plus belle lignée
Vint à se marier, et pour première épouse
A fille du Prince de Brest, Florence était appelée.
Des enfants ils avaient, mais tous ne les connaissons pas
Un était saint Tanguy, une autre sainte Haude.

Et pour preuve, un collectage de Donatien Laurent en 1956, consultable sur la base Dastumedia de Dastum :

Extrait Dastumedia

Rappel : l’accès à la base Dastumedia est désormais gratuite, sur simple inscription

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