Saint Yves

A l’occasion des célébrations du VIIe centenaire de la mort de saint Yves Hélory de Kermartin, le pape Jean-Paul II avait adressé un message à Mgr Fruchaud, évêque de Saint-Brieuc. Il fait mémoire du grand saint breton : magistrat, avocat et prêtre, fidèle à défendre les principes de justice et d’équité, attentif à garantir les droits fondamentaux de la personne, le respect de sa dignité première et transcendante, et la sauvegarde que la loi doit lui assurer et souligne l’actualité de son message qui promeut une justice équitable et de défendre le droit des plus pauvres. Mais quelle fut la vie Saint Yves de Tréguier, Patron avec Sante Anne de la Bretagne ?

Yves Hélory naît vers 1250 au manoir de Kermartin, en Minihy-Tréguier, d’une famille de petite noblesse. Il meurt en 1303, le 19 mai. Il aura connu les règnes de  Saint-Louis, Philippe III et Philippe IV le Bel, le temps des croisades et des templiers, du développement des ordres mendiants :  Saint Dominique meurt en 1221, Saint-François en 1226.

Yves n’a rien écrit sauf un testament dans lequel, sous l’influence des franciscains avec qui il échange sur la perfection et la pauvreté, il partage ses ressources avec les pauvres.

Les documents de l’époque sont rares, Nous n’avons aucune Vie de saint Yves écrite par ses contemporains et beaucoup de reliques et de souvenirs ont été dispersés et égarés. Pillés aussi comme ce bréviaire dit de saint Yves, déchiré par ceux qui voulaient simplement une ou plusieurs pages en souvenir !

L’enquête de canonisation est mieux conservée… L’original, intitulé « Enquête sur la vie, les mœurs  et les miracles d’Yves Hélory de Ker Martin » était un long rouleau formé de 81 peaux de vélin cousues les unes aux autres, remis au pape Jean XXII à Avignon en 1331. Les commissaires chargés de l’enquête, Roger évêque de Limoges, Aiglin évêque d’Angoulème et Aymeri abbé du monastère Saint-Martin de Troarn, extérieurs à la Bretagne, ont eu souvent recours à des interprètes et ont eu du mal à transcrire certains noms de lieux et de personnes. Ils reçurent plus de 240 témoignages, essentiellement du Trégor, expression d’une foi profonde, dernier espoir dans le malheur. A cette époque un fait était considéré comme réel et avéré s’il était notoire., mais toujours liée à des actions concrètes et non réduite à une attente passive… Le pape Clément VI prononce sa canonisation à Avignon en 1347 : « En ce temps où le monde vieillissant accélère son déclin vers le dernier des soirs, a surgi de l’extrémité de l’Occident, de la Bretagne, une étoile matinale qui ne s’éteindra pas ». On lui prête des miracles comme d’avoir sauvé des gens de la noyade. La vie d’Yves fut édifiante à bien des aspects avec la capacité, face aux attaques parfois acerbes, de garder une belle et  une joyeuse égalité d’humeur.

Le développement du culte de St-Yves dans les milieux juridiques d’Europe suit la canonisation et de jeunes bretons, venus à Paris achever leur instruction à l’Université, prennent l’initiative en 1348, de fonder une confrérie et d’ériger une chapelle dans le quartier des Ecoles, rue St-Jacques. Très vite, d’autres universités et facultés de Droit encouragent le culte de st Yves : Orléans, Angers, Montpellier et Aix, Caen, Nantes, Prague, Vienne, Erfurt, Cologne, Bâle,  Leipzig, Fribourg-en-Brisgau, Ingolstadt, Trèves, Mayence, Wittenberg, Louvain, Salzbourg et Innsbruck, Trnava et Fulda, Salamanque. Et j’en oublie.

Mais, revenons à la vie d’Yves Hélory.

L’enfant est précoce, intelligent, curieux de tout. Pieux aussi, comme on pouvait l’être à l’époque mais plus encore avec une exceptionnelle profondeur ; travailleur et courageux, il part à Paris vers 1264 pour poursuivre son instruction et obtenir le Baccalauréat « es art », puis la Licence de Théologie, en ayant pour maître saint Thomas d’Aquin. C’est vers le Droit qu’il se tourne alors, étudiant d’abord le Droit Canonique, puis le Droit Civil romain, à Orléans cette fois. Mais sa vocation s’impose aussi et l’engagement dans la prêtrise accompagne son attirance pour la justice. Ce double engagement, juridique et religieux, lui ouvre la voie vers le travail de juge ecclésiastique. Vers 1278, il est ainsi Official de Rennes, avant de revenir dans son Trégor natal vers 1281, pour exercer la même charge pendant vingt ans auprès de l’Évêque de Tréguier.

Cette fonction le révèle vite comme l’incarnation du juge intègre, du magistrat équitable et sensible à la détresse humaine, plein de bienveillance et d’empathie et il assume ses fonctions dans un esprit de conciliation et de justice. Cette sensibilité au malheur et à la pauvreté le conduit d’ailleurs à exercer parfois la fonction d’avocat devant d’autres juridictions que la sienne, gratuitement. Il est aussi le conseiller des plus démunis.

Yves Hélory, un juriste médiéval d’exception. Sa formation fait de lui un professionnel du Droit de haut niveau qui le place bien au-dessus de la multitude des praticiens en fonction auprès des innombrables tribunaux seigneuriaux du Moyen Age, à une époque où nul n’était encore besoin d’un diplôme universitaire pour être recruté comme magistrat au sein d’une juridiction inférieure, et encore moins pour s’établir avocat.

L’épisode qui révèle sans doute le mieux cet engagement est connu. A Rennes, il doit traiter une affaire opposant un aubergiste à un mendiant. Ce pauvre homme est accusé par l’aubergiste d’avoir été pris à roder autour des cuisines. Mais il n’y a aucun fait permettant de l’accuser. Alors l’avare aubergiste  l’accuse de se nourrir des odeurs de sa cuisine et demande à en être payé ! Le jugement a dû en étonner plus d’un Yves Hélory prend quelques pièces dans sa bourse et les jette sur la table devant lui; l’aubergiste tend la main pour les prendre mais saint Yves retient sa main. L’aubergiste s’exclame : « c’est à moi » Yves lui répond « ah non ! le son paye l’odeur, à cet homme l’odeur de ta cuisine, à toi le son de ces pièces ! ».

« Sanctus Yvo erat brito; advocatus sed non latro, res admirabilis populo », « Saint Yves était breton, avocat mais pas voleur, chose  admirable pour le peuple !

Mais Yves Hélory n’est pas qu’un juriste à l’exceptionnelle stature morale : il est aussi prêtre, ordonné à Tréguier vers 1283, Recteur des paroisses littorales de Trédrez, puis de Louannec, en 1293. Yves, sans compter, parcourt la Bretagne comme prédicateur itinérant Il se fait alors remarquer à la fois par son extrême charité, et par ses talents d’infatigable prédicateur, captivant les foules tant en français qu’en breton ou en latin. Il étonne ses paroissiens en célébrant la messe en breton, alors que ses prédécesseurs le faisaient en latin. Les gens l’aiment pour sa façon de rendre la justice, il est réputé pour son sens de l’équité qui lui interdit de privilégier le riche sur le pauvre, pratique alors courante.

Minihy, le refuge. Il se réserve quelques moments de solitude, à Kermartin, son refuge, afin de se livrer à la prière et à la méditation mystique. Le nom Minihy, refuge, vient de ce que c’était un lieu où, au Moyen-Age, ceux qui voulaient échapper à la justice trouvaient asile. il transforma ce dernier en hospice où il soignait lui-même les malades. Cette tâche lui fera prendre conscience du sort peu envieux des pauvres de la région et il en deviendra le défenseur. Sa vie est une vie d’ascèse et de partage, il ne mange que deux œufs par an le jour de Pâques et tient table ouverte pour les pauvres. Le cimetière abrite un autel du XVème siècle,  « le Tombeau », percé d’une arcade. Selon la légende, les pèlerins doivent passer sous cet arc à genoux pour obtenir la réalisation de leur vœu.

C’est dans son manoir familial de Minihy qu’Yves Hélory s’éteint le 19 mai 1303. Ses obsèques à la cathédrale de Tréguier sont l’objet d’une ferveur populaire extraordinaire. Sa dépouille est portée à la Cathédrale de Tréguier en un long cortège.

Yves incarne les valeurs, chères aux Bretons, de générosité, de solidarité et de justice, de  don de soi, d’élan vers les autres, de respect et de tolérance. Il en incarne trois tout particulièrement. L’intégrité l’amène à étudier objectivement ses dossiers et à trancher les litiges en restant insensible aux sollicitations des puissants, aux sentiments d’amitié ou d’inimitié, en résistant aux tentations de l’argent. L’esprit de paix le pousse à l’équité, au compromis acceptable qui pourrait déboucher sur une vraie réconciliation. La compassion pour la détresse humaine le conduit à mettre gratuitement son temps, son savoir et ses compétences au service de la défense des démunis.

Yves Hélory  est depuis le plus souvent représenté non en habits ecclésiastiques, mais vêtu d’un ample vêtement laissant voir le bas de la « cotte », ancêtre de la soutane, les épaules couvertes d’un chaperon sombre descendant jusqu’aux coudes,  coiffé du bonnet carré des gens de justice à partir du XVIème siècle aux cornes spécifiques. Il tient souvent à la main un parchemin contenant une requête présentée par un plaideur pauvre, qu’il accueille avec faveur.

Pour évoquer Saint Yves en beauté, deux cantiques interprétés par Anne Auffret.

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