Sainte Triphine

Comme d’autres saints et saintes de Bretagne et d’ailleurs, personne ne sait quelle fut réellement la part de réalité dans la vie de sainte Triphine (ou Tréphine, en breton sant Trifin).  Son histoire est-elle celle d’un personnage historique ? d’un personnage de légende ? Qui sait… Un peu des deux sans doute, dans le contexte du VIème siècle. Beaucoup de chapelles, statues et vitraux la représente. Elle est mentionnée la première fois au XIème siècle par le moine Vitalis de l’abbaye de Saint-Gildas-de-Rhuys dans son ouvrage VIème de Saint Gildas et est évoquée par Dom Alexis Lobineau dans son récit de la vie de saint Gildas. La vie de Sainte Tréphine est sans doute à l’origine du conte de Barbe Bleue. Sainte céphalophore, elle est, en Bretagne, la patronne des enfants malades, qui tardent à marcher et de ceux qui arrivent après terme. Le nom Trifina ou Trivina interroge d’emblée : il vient sans doute du gallois triw, « vrai, exact, fidèle » et serait la forme féminine de Trivin. En breton, la distinction du féminin et du masculin dans le mot «saint» n’apparaît que tardivement, le mot ‘sant’ étant valable pour les deux genres

Au VIème siècle, Triphine, fille de Waroch,  comte de Vannes,  épousa Conomor, comte de Plusigner et du Poher, futur roi de Domnonée et devint ainsi sa cinquième épouse. C’est sur les conseils de Saint-Gildas et pour éviter un conflit, que Waroch a accepté de donner sa fille en mariage au comte Conomor qui, par ses multiples mariages, cherche à agrandir ses fiefs. La Domnonée est un royaume qui aurait été fondé par Riwal, du comté de Gwent au Pays de Galles et qui s’étend sur la côte nord, du Trégor au pays de Dol, en passant par le Goëlo et le Penthièvre. Elle inclut ensuite le futur Pays de Léon.

Triphine était d’une grande beauté et avait la réputation d’être aussi belle que la Vierge Marie ! Elle était aussi très bonne, attentive aux pauvres et très vertueuse. Elle avait dans Gildas une totale confiance, et prenait conseil auprès de lui. Or, Conomor voit Triphine à l’église de Saint-Gildas, où l’avait attiré le bruit des miracles de Gildas. Il en tombe immédiatement amoureux et la demande en mariage à son père ; Waroch ne sait quoi faire, Conomor est féroce et violent, cruel et débauché et l’on sait qu’il a assassiné ses précédentes épouses. Il craint aussi cependant, s’il refusait Triphine à Conomor, d’attirer sur elle et sur lui la vengeance de cet homme. Triphine, en larmes demande le conseil de Gildas et le fait savoir à Conomor. Conomor, ayant reçu cette réponse, alla trouver Gildas qui pour qu’il épouse Triphine lui impose une année de frère novice, priant Dieu, pleurant ses fautes, et vivant d’herbes sauvages… Et il le fit, en apparence doux, pieux et obéissant. Gildas lui-même, le pense converti et dit à Triphine de l’épouser…

Mais le mariage tourne au drame, d’après une prédiction, l’enfant de Conomor tuerait son père de ses propres mains. Ce dernier refusait donc d’avoir une descendance et tuait ses épouses dès qu’elles étaient enceintes ! Il assassina l’une après l’autre ses 4 ou 3 précédentes épouses. Et quand il découvre la grossesse de Triphine, il l’enferme dans un cachot sans lumière, avec une porte de fer et une étroite fenêtre, sans boire ni manger. Infidèle, il l’accuse d’infidélité, l’enferme en attendant de l’étrangler ! Mais Triphine, ayant par miracle réussi à briser les barreaux de la fenêtre grâce à l’aide magique des épouses défuntes de Conomor, s’enfuit un soir à la tombée de la nuit et donne naissance à son fils, Trémeur, dans la forêt. Mais Conomor, s’étant aperçu de sa fuite, fit seller son meilleur cheval et se mit à la poursuivre. Elle réussit à cacher son nouveau-né avant que son mari ne la rattrape. Fou de rage, Conomor la retrouve et lui tranche le cou, peut-être à l’entrée de Vannes, au Bondon, à l’endroit où se trouve une croix ornée d’un marteau et d’une hache. Avertis par ses serviteurs, Waroch et sa femme, désespérés, récupèrent le corps martyrisé de leur fille et se rendent à l’ermitage de Saint-Gildas à Bieuzy pour lui rappeler, que c’est lui qui était à l’origine de ce mariage. Pour se faire pardonner, Saint Gildas se rend alors au château de l’Hermine à Vannes où le corps de Tréphine repose sur son lit, replace la tête de la sainte sur ses épaules et la ressuscite Ce qu’il advint alors diffère d’une légende à l’autre. Dans une des traditions, Conomor, assoiffé de vengeance, décapite son fils. Mais, d’autres racontent que Conomor fut tué dans son château qui s’est miraculeusement écrasé sur lui. Quant à Tréphine, humble et pieuse, elle fait bâtir un couvent de Vannes. Puis, Triphine choisit de se retirer dans l’évêché de Tréguier, dans un lieu qui porte aujourd’hui son nom. Elle y vit dans la piété et la charité, et meurt très âgée. Ses vertus et les grâces particulières dont elle avait été l’objet la font déclarer sainte vox populi après sa mort.

Une autre légende lie Sainte Triphine au roi Arthur. Le collecteur François-Marie Luzel a retrouvé une pièce de théâtre, un mystère en huit actes joué en deux journées, dans lequel, Arthur devient le mari de Tréphine au lieu de Conomor et Tréphine ressemble quelque peu à Guenièvre. Le complot inclut le terrible frère de Tréphine, Kervoura, qui voudrait hériter du royaume d’Arthur. Quand il découvre la grossesse de Tréphine, il décide d’éliminer la lignée. Lorsqu’elle est sur le point d’accoucher, il l’enlève, cache l’enfant, accuse Tréphine d’avoir tué le bébé, avant de créer de fausses preuves pour l’accuser de complot contre Arthur. Ce dernier emprisonne alors sa femme, mais elle fuit, travaille six ans en tant que servante avant d’être reconnue et ramenée à la cour. Arthur reconnait son innocence et ils ont une fille ensemble. Mais Kervoura ne renonce pas et l’accuse d’adultère en utilisant de faux témoins. Elle est condamnée à mort, mais, son fils Tremeur devenu grand, réussit à échapper à ses geôliers et arrive juste au moment où sa mère doit être décapitée. Il provoque Kervoura en duel, le blesse et Kervoura avoue ses crimes avant d’expier. La famille est alors réunie et heureuse ! L’histoire de Tréphine et Arthur a inspiré Anatole Le Braz, qui la raconte dans son recueil des Contes du Soleil et de la Brume.

Le peintre Paul Sérusier a réalisé en 1904 la Légende de Sainte Triphine (huile sur toile, 10,9 × 14,3 cm) : Saint Gildas ressuscite Triphine que son époux avait décapité et protège son fils. Cette même année, Sérusier et Maurice Denis partent en voyage en Italie et ce tableau rappelle à la fois les fresques aux tons naturels reflétant la lumière et les tapisseries médiévales qui leur succèdent, tandis que l’on sent au bas du tableau une certaine  influence japonisante. Il réalise aussi en 1914, une sculpture sur bois, Sainte Triphine et Saint Trémeur (cheminée de la maison de Paul Sérusier, Châteauneuf-du-Faou).

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